PETITE HISTOIRE DE L'ORPHELINAT PROTESTANT DE CASTRES

De l'asile de charité pour les orphelins protestants, au foyer protestant de Castres (1841-2010)

En 1967, le fils d'un orphelin accueilli dans les années 1880, écrivait au directeur de l'orphelinat de garçons protestants en ces termes :
« Je sais que mon père avait reçu à Castres cette solide instruction de base que donnaient alors, partout où elles étaient installées, nos petites écoles protestantes.
Qui prendra la peine d'en écrire l'histoire ; Qui voudra retracer les origines, la vie, les transformations de l'Asile des orphelins protestants ? »
Il est regrettable que cette demande pressante n'ait pas connu de suite ; celle-ci aurait pu nous éclairer au sujet des transformations qu'a subi l'Asile de charité pour orphelins Protestants, depuis 1908, date de la première publication ; l'orphelinat étant devenu successivement : Orphelin at de garçons protestants de Castres, et à partir 1974, Foyer protestant de Castres.

Le Pasteur Camille Rabaud a écrit une première histoire intitulée : L'Orphelinat de garçons protestants de Castres de 1841 à1908.Cet ouvrage a été exposé à l'occasion de l'exposition sur les rues de Castres. Le foyer Protestant n'en possède que la copie.

Nous reviendrons ultérieurement sur cette période retraçant l'origine et le fonctionnement de l'Asile. L'auteur, y met en valeur avec une satisfaction non dissimulée la qualité de l'orphelinat : « Parmi tous les établissements similaires, notre établissement est un des mieux organisés et des plus utiles, soit dans nos églises, soit au dehors. »

Il insiste également sur l'aspect religieux et moral : « Ce n'est pas moins de 1100 enfants que depuis 1841 nous avons arrachés à la misère, au vice ou à la mort, pour en faire dans toutes les branches des ouvriers religieux, moraux, habiles et travaillant à l'édifice social par leur labeur, au lieu de le faire sauter par les bombes de l'anarchie...... »

Et il concluait ainsi son récit : « La bonne semence, sous la bénédiction divine, lève en riches moissons. »

Nous allons tenter, dans un langage plus actuel de raconter l'histoire de l'association, en nous efforçant d'en retracer les grandes lignes. Cet exercice est périlleux, car comment résumer en quelques lignes 170 Ans de vie de notre association ! Pour retracer la vie de cette institution, nous avons exploré des documents d'archives, divers registres et procès-verbaux manuscrits, reflets fidèles du quasi quotidien de l'orphelinat,et bien entendu l'histoire écrite par le pasteur Camille Rabaud .

Cette histoire commence le 1 er Mars 1840, date de la réunion constitutive de la « Commission de correspondance, d'exécution et de surveillance » de ce que sera jusqu'en 1970 l'orphelinat de garçons protestants de Castres.  (Extrait de « histoire de l'orphelinat de garçons de Castres : du 7.12.1840 au 1.04.1908.)

Aux conférences pastorales qui se tinrent à Toulouse, en Mai 1839, fut émis le vœu unanime qu'il se créa un Orphelinat Protestant de garçons. La Commission, nommée à cet effet, présenta un rapport aux conférences de Montauban, Novembre 1839, qui avait réuni 65 Pasteurs. Les conclusions favorables du Rapport furent votées d'enthousiasme et la future création abandonnée à la libre initiative de chacun.

C'est alors qu'obéissant à leur inspiration et «se sentant appelés par le Seigneur » les deux pasteurs de Castres (MM.Dejean et Dombre), font au consistoire la communication suivante :
« Nous possédons déjà avenue du Sidobre, un Refuge de vieillards et de malades, dont certains locaux restent inoccupés ; il y a déjà là un personnel, un comité, quelques ressources ; nos trois écoles protestantes de garçons, de filles et de tout jeunes enfants sont à côtés ; la ville est remplie de petits industriels, de patrons pour l'apprentissage des orphelins ; et les pasteurs Castres se chargeront de la partie religieuse ; tout cela nous vous l'offrons. »

Ainsi fut fondé à Castres, sous la tutelle du consistoire, cet Orphelinat Protestant réservé à une si longue carrière......plus tard seulement ,à la reconnaissance officielle de l'Asile par l'Etat, fut rompu le lien qui primitivement, le plaçait sous la dépendance immédiate du consistoire. Désormais, un comité indépendant de huit membres, se recrutant lui-même sous la sanction de l'Etat, devint l'administrateur direct et responsable des affaires de l'orphelinat.

En fait, ce lien n'est pas rompu , car les membres du conseil d'administration se recrutent par cooptation au sein de la même Eglise. Le pasteur participe toujours aux séances en tant que conseiller et représentant du conseil presbytéral.

L'orphelinat va se développer rapidement : en 1840, nous comptons 20 pensionnaires, 40 en 1843, en 1845, 62, et en 1847, 96 ......Ces enfants protestants viennent de tous les coins de France ; ils sont proposés et soutenus financièrement par des comités locaux et proposés par les Eglises et leur pasteur.... A la suite de la première guerre mondiale, c'est 110 enfants qui seront accueillis.

La qualité du travail fourni lui vaut diverses récompenses :
«Ce qui prouve que nous ne voyons pas les mérites de l'œuvre sous le prisme de l'illusion, ce sont les encouragements officiels décernés de tous côtés : 1867 et1868, médaille de bronze, 1869et 1870, médaille d'argent ; 1874 grande médaille de vermeil ; 1878, mention honorable à l'exposition de Paris. 1882 médaille de vermeil à l'exposition scolaire d'Albi ; 1885, médaille d'argent, à l'exposition de Toulouse ......Loin de craindre la lumière des concours ,l'orphelinat sur de lui-même la recherche, et il moissonne les fruits des principes chrétiens et de la haute culture qui sont en honneur en son sein. Le conseil général a plusieurs fois, alloué 1000 francs à l'orphelinat, pour reconnaître ses bons services au département ».

Des les premiers jours, le comité a affirmé une ambition sans limite pour ses orphelins. D'ailleurs, nous pouvons lire, sur les premières pages du registre des orphelins, les versets suivants : «Dieu est le père des orphelins » et « Celui qui donne aux pauvres prête à l'Eternel ». Ainsi s'occuper d'orphelins est un acte qui nous rapproche de Dieu, puisqu'ils sont ses enfants, et le don fait de nous ses interlocuteurs directs. Dieu éventuellement, nous le rendra : si un merci est à attendre, c'est de lui qu'il viendra, le jeune en est exempté. Cette haute opinion de leur mission se retrouve dans les faits : lorsque le premier orphelin est parti en apprentissage, un contrat a été signé avec l'artisan ; entre- autres dispositions, nous pouvons lire ceci :
« En vous confiant cet enfant, nous vous remettons une partie des droits que nous avons reçu des parents .Vous devez le diriger et le surveiller comme votre propre fils. »

DANS QUEL CONTEXTE l'orphelinat a-t-il été créé ?

Le XIX ème siècle est aussi un siècle de changements :

Sur le plan POLITIQUE, c'est la révolution de 1848 dite révolution sociale par certains. Nous voyons apparaître le suffrage universel à 21 ans, les ateliers nationaux sont créés, le droit au travail est proclamé. Le plus important est certainement la naissance du fait enfant. Globalement, ils étaient suspects, sinon coupables d'être vagabonds, et traités sur le même pied que les adultes. Sous l'influence des philanthropes, qui ont organisé une campagne virulente contre les bagnes d'enfants, les colonies sanitaires apparaissent, qui sont un véritable progrès.
Sur le plan LITTERAIRE, nous pouvons noter l'apparition des romantiques, notamment Victor Hugo qui écrit « Lorsque l'enfant parait », il fait de Cosette et de Gavroche, dans les Misérables, des personnages qui ont quelque chose à dire. Ce siècle se terminera sur les organismes mutuels, qui se transformeront en assurances sociales et plus tard la sécurité sociale. Dans ce contexte, l'Eglise protestante de Castres sera à l'initiative de la « SOCIETE Protestante de prévoyance et de secours mutuels de Castres dont les statuts sont déposés en préfecture le 17 Avril 1876.

Sur le plan LOCAL, il semble que des divergences dans la façon dont les aides des bureaux catholiques étaient gérées ont été une puissante motivation pour non seulement créer des aides spécifiques aux protestants démunis, mais aussi pour en demandant plus tard la Reconnaissance d'Utilité Publique, une façon de faire reconnaître par l'Etat la fonction sociale ainsi remplie, et à terme, amener les pouvoirs publics à véritablement laïciser l'action sociale. Notons au passage que la Reconnaissance d'Utilité Publique fut accordée par décret du Second Empire en date du 10 Juin 1864.

C'est dans ce contexte favorable à l'émergence d'un projet pour l'enfant que l'orphelinat a ouvert ses portes.

Au travers de la lecture des procès verbaux du comité, nous pouvons constater qu'il travaillait toujours sur le même modèle : tout passait par lui, y compris et même surtout ce qui est du domaine pédagogique ; alors que parfois, il y a une séparation entre ce domaine et la gestion du patrimoine. (l'un revenant aux professionnels , l'autre restant à l'association), ici c'est une particularité, il n'y a pas de domaine réservé. Ainsi, les conditions d'admission étaient strictement observées, sans dérogation possible. Aujourd'hui encore, le conseil d'administration a à connaître et donner son avis sur la pédagogie. Est-ce là un élément de pérennité ?

Pendant longtemps, l'orphelinat a vécu de dons et de la pension que les Eglises ou les familles s'engageaient à payer. Cette situation a duré, sans difficultés apparentes jusqu'en 1928 .A partir de cette date, l'orphelinat est régulièrement en déficit dans son fonctionnement. Il est obligé d'utiliser les legs pour équilibrer son budget, au lieu de les réserver à l'investissement. Les rapports annuels montrent que l'écart entre dépenses et recettes devient de plus en plus important.

Face à cette situation, le comité vote l'émission d'un emprunt de 70.000 francs, lequel sera contracté en 1868 par l'Asile d'orphelins protestants de Castres, autorisé par le consistoire et garanti par les immeubles possédés par l'asile, l'intérêt sera de 3% l'an terme échu .

En effet, l'orphelinat n'a pas les moyens pour remédier à cette situation, sauf augmenter les prix de pension, ce à quoi il se refuse, par éthique autant que par réalisme, car la moitié des pensions ne sont pas payées. Les budgets prévisionnels laissent une part importante aux recettes extraordinaires que sont la vente les collectes les dons : En effet les dons et legs, régulièrement effectués en faveur de l'œuvre masquent cette réalité.

Ce n'est que plus tard que cela deviendra un problème essentiel, quand les dons s'amenuiseront .Avec le recul, nous pouvons penser que l'arrivée dans les œuvres de l'Etat et de ses subventions a contribué à la perte de cette habitude qui consistait à partager son bien avec les Eglises et ses Œuvres : Pourquoi donner au Foyer, alors que l'Etat participe ?

Vers 1945, ces difficultés mettront l'Association en danger. Le feu couvait depuis 1940. Au cours de l'Assemblée générale du 6 Avril 1941, le président déclarait : « Notre situation, prospère en apparence, est en réalité très angoissante pour l'avenir. Nous ne pouvons raisonnablement compter pour l'année qui vient de s'ouvrir sur de pareilles recettes extraordinaires et nous ne serons vraiment tirés d'affaire que le jour (hélas non annoncé !) ou les pouvoirs publics émus de nos cris d'alarme établiront pour les jeunes un système d'assistance semblable à celui dont bénéficient les vieillards sans ressources. »

Ce problème, soixante-dix ans après est malheureusement toujours d'actualité pour de nombreux jeunes en errance, et ce, malgré les nombreux dispositifs mis en place par l'Etat.
On ne peut évoquer cette période sans parler du rôle qu'a joué la guerre de 1940 : Les bâtiments ont été réquisitionnés, et même si une partie était inoccupée, cela contribue à une perte d'identité progressive. L'orphelinat a ainsi reçu dans ses locaux, des blessés de guerre, des réfugies (environ un millier de personnes, expulsés de Belgique, de la Marne, du Nord, de l'Est et, d'Alsace –Lorraine.)
La reconversion est un lent processus de redéfinitions diverses. Le comité a dû faire face à trois sortes de problèmes :
-La gestion d'un bâtiment vieillissant, dont la dégradation a été accélérée par les réquisitions, et le manque de moyens : nous avons vu qu'une partie des dons et des legs étaient utilisés pour le fonctionnement,et de ce fait manquent à l'entretien des locaux .
-L'arrivée de l'Etat qui impose sa tutelle.
C'est en 1930, qu'il entre dans l'orphelinat, par le biais d'une demande de subvention pour travaux au Paris Mutuel .Le Préfet devient de plus en plus présent : en1943, à la suite d'une visite effectuée il « recommande » certains travaux, mais se désintéresse du financement correspondant .
Nous savons que cette intervention (pourtant souhaitée) de l'Etat ira grandissant et envahira tous les domaines : elle atteindra son point culminant quand il donnera son avis sur le profil du directeur à recruter, ainsi que sur la qualification du personnel éducatif .Ces « conseils », marqueront un tournant dans les relations entre l'œuvre et l'Eglise.
-La « disparition » des Orphelins pose la question de la fidélité aux buts des fondateurs, le Comité semblant être partagé en deux tendances : l'une, disant que le Comité ayant été créé pour gérer une maison pour les orphelins, il faut prendre acte de la disparition du besoin et cesser l'activité. Cette tendance est minoritaire et peu virulente. l'autre voulant prendre en compte cette disparition mais voulant utiliser l'infrastructure et le personnel, pour faire face à des besoins nouveaux, confirmant ainsi le désir de donner de son temps pour une cause utile .
De fait, le comité est régulièrement sollicité, soit pour son patrimoine immobilier, soit pour son savoir faire éducatif. Ainsi, la Croix Rouge cherche des locaux, des Eglises des alentours cherchent un hébergement pour des jeunes qui viennent à Castres pour étudier ou pour y travailler.
Cependant, le comité travaille, répare le bâtiment de la rue Sœur Audenet, mais une autre tendance se fait entendre (extrait du registre, séance du 9 Juin 1937.) :
« On fait à l'immeuble des réparations couteuses.80.000 francs vont encore être dépensés pour des aménagements divers .Malgré cela, la Maison, parce qu'elle est une très vieille maison reste peu adaptée à sa fonction .N'y aurait-il pas lieu de transporter ailleurs l'orphelinat, de chercher un emplacement dans l'immédiate banlieue et d'y construire un orphelinat moderne ? Le comité est séduit par cette idée, mais aussi visiblement effrayé. Tout le monde est cependant d'avis qu'il faut faire quelque chose .... ! » Cette question sera régulièrement posée, mais l'option travaux restera privilégiée jusqu'au 5 Mai 1963 :
« Le président reprend alors la parole pour entretenir l'Assemblée Générale d'une grave question qui intéresse tous les membres de l'Association, à savoir la vente éventuelle de l'Ancien Etablissement,pour en construire un autre à la périphérie de la ville. Il met l'Assemblée Générale au courant des démarches en cours et précise bien que nous ne vendrons que si nous avons la possibilité de reconstruire intégralement la Maison sur une base moderne et attrayante. »
Cette proposition se concrétisera, et le nouveau bâtiment, construit sur le Chemin du Corporal, sera inauguré 30 Septembre 1971.
La construction d'un bâtiment peut être considérée comme la partie visible, émergente de la vie d'une association et de son identité. Mais l'association ne s'est pas contentée de gérer cette partie, elle s'est aussi occupé de transformer son fonctionnement interne en tenant compte de l'évolution du contexte social : En1951,elle transforme ses statuts de façon à pouvoir toucher des subventions venant de la taxe d'apprentissage,en 1952,lors de l'Assemblée Générale,sont proposés les nouveaux statuts :
Le secrétaire de séance, ayant donné une nouvelle lecture des statuts, destinés à remplacer ceux existants depuis 1842 et portant que l'Asile de charité pour les orphelins protestants de Castres sera dénommé à l'avenir « FOYER PROTESTANT DE CASTRES », ceux –ci sont adoptés à l'unanimité des 48 membres présents à l'Assemblée Générale ».Ces statuts seront à nouveau modifiés en 1974, pour répondre à de nouvelles exigences.
Les orphelins ayant disparus, la population accueillie se modifie progressivement à partir de 1950.Lintervention financière de l'Etat pose de nouvelles règles qui changent profondément le fonctionnement de la structure, c'est pourquoi on assiste à une laïcisation progressive du fonctionnement de l'établissement :

  • La protection judiciaire de la jeunesse se décharge sur les associations et leur confie des enfants relevant de décisions de justice au titre de l'ordonnance du 2 Février 1945 sur l'enfance délinquante .IL faudra informer l'Assemblée Générale que ces placements comportent implicitement un certain nombre de risques, les quels ne se feront pas attendre !
  • Il n'est plus question de religion, des enfants sont envoyés de tous les coins de France et même des « DOM-TOM ». Plus tard arriveront des jeunes réfugiés du sud-est Asiatique qui seront alphabétisés et formés.

L'établissement prend alors la dénomination de « Foyer Socio-Educatif du Corporal » et reçoit l'agrément de l'Etat pour son fonctionnement autorisant la tranche d'age de12 à 18 ans, avec une capacité de 54 lits.
L'Association Foyer Protestant en gardera la responsabilité morale mais deviendra davantage gestionnaire. Le Conseil d'administration reste cependant garant de l'éthique et des projets.
Au cours de l'Assemblée Générale Du 23 Avril 1978 plusieurs questions sur : Le sens de l'œuvre : « peut- il y avoir témoignage évangélique en raison du peu de jeunes et du peu de personnel protestant, la profession se substituant à la vocation ! ». A cette même Assemblée le président propose l'achat du terrain contigu au Foyer pour une surface de 3900 mètres carrés, proposition adoptée à la majorité. L'achat sera financé par la vente de Legs.

Mais dés 1982 le fonctionnement du Foyer Socio-Éducatif se heurte à de nouvelles difficultés d'ordre pédagogique. L'autorité de tutelle alerte l'association qui est mise en demeure de prendre des dispositions pour remédier à cet état de choses. De nouvelles dispositions doivent être prises. Le grand bâtiment ne fait plus l'affaire, les jeunes devront désormais être hébergés dans de petites structures à caractère familial .trois maisons sont louées à cet effet. Plus tard l'association achètera une grande villa rue du Rey qui abritera des enfants de 12à18 ans .Cette réalisation sera inaugurée en 1994.

A partir de 1985 l'Etat (DDASS) confie ses compétences d'aide sociale aux Départements qui deviendront l'interlocuteur et le principal financeur de l'aide aux structures et de l'insertion.
Suite à la demande faite par l'Association de pouvoir utiliser le bâtiment partiellement vidé pour y loger des jeunes travailleurs un agrément est accordé en 1987 pour la création d'un Foyer Mixte de Jeunes Travailleurs avec 54 lits. IL sera nécessaire de réhabiliter l'immeuble afin de le rafraîchir et le conformer aux nouvelles normes. La Municipalité de Castres soutiendra financièrement cette opération qui apporte un service à la ville démunie de foyer pour les jeunes travailleurs.

L'Association devient de ce fait gestionnaire de deux Etablissements avec un Directeur pour les deux structures :

  • Le foyer socio-éducatif qui désormais prendra le titre de « MAISON d'ENFANTS à CARACTERE SOCIAL » (MECS).
  • Le Foyer de Jeunes Travailleurs du Corporal.

Depuis plusieurs années le Conseil et la Direction sont confrontés au problème de l'orientation des jeunes et de leur emploi .Une réflexion est entreprise à ce sujet d'importance.

Les mots d'actualité sont : Précarité, Emploi, Insertion .Que pouvons nous faire pour ces jeunes à la dérive ?
C'est ainsi que vont démarrer les activités d'INSERTION, outils indispensables pour préparer les jeunes à la vie active.
Il faut retrouver les idées des fondateurs de l'association : Conduire les jeunes à acquérir une formation et un métier. Le Foyer Protestant renoue avec un de ses buts et va créer successivement à partir de 1988 plusieurs activités d'insertion par le travail et la formation :
-Un atelier de remise à niveau est mis en place, il s'agit de donner aux jeunes en difficultés scolaires les moyens de les surmonter et de leur permettre d'aborder des formations qualifiantes. Un éducateur scolaire sera affecté à cette tâche. Cet atelier deviendra par la suite centre formation. Face aux difficultés de recherche d'emploi, le directeur émet l'idée de créer une Auto-Ecole Associative .Cette proposition est adoptée par le Conseil et l'Auto-Ecole Associative, une des premières en France voit le jour en 1989.La première voiture sera offerte par une personne membre de l'Association. Cette initiative connaîtra un succès non démenti jusqu'à ce jour .En outre ce dispositif permettra aux jeunes de valoriser leur formation.
-en 1991, le Conseil, dans cette dynamique, projette la création d'une Association « Intermédiaire » ayant pour but de faire face aux nouvelles dispositions du Ministère du Travail, de trouver tout de même des formations, des stages ou des emplois temporaires en Entreprises .Ce projet sera adopté à l'unanimité du Conseil. L'AGle constitutive se tiendra en Février 1992 .Ce n'est pas moins de 750 personnes qui en quatre ans bénéficieront des services de l'Association Intermédiaire, qui devra cesser son activité faute de renouvellement de l'habilitation.
Le 1er Décembre 1996, le Directeur de l'Association décède brutalement .Homme d'un grand charisme, il laisse le Foyer désemparé .Le Conseil se mobilise pour assurer la continuité du service. Malgré cette disparition, le Foyer ne baisse pas les bras et continue sur sa lancée et d'autres projets vont voir le jour. Sur un terrain prêté par la Mairie de Castres, le Foyer va donner formation et emploi à des chômeurs en créant « l'ÉCOLE DE LA TERRE » destinée à la production de légumes. Cette activité devra cesser après quatre ans faute de soutiens financiers.

Au cours de l'Assemblée Générale du 21 Mars 1998, est présenté par le Directeur le projet de création d'un atelier de réparation d'électro-ménager et de cycles, ce projet est adopté. L'Association « la BOITE A OUTILS » est fondée sous la présidence de la trésorière du Foyer, plusieurs membres du Conseil feront partie du Conseil d'Administration. Cette association, n'est plus aujourd'hui sous le giron du Foyer mais continue sa mission auprès des personnes en insertion.

Les années 1990, voient les difficultés aux quelles sont confrontés les jeunes de plus en plus présentes : Emploi, Logement, Santé, Formation, sont des défis aux quels l'Association est confrontée, et s'efforce de répondre. Chaque nouveau projet demande une réflexion du Conseil sur la nécessité et les chances de répondre de façon efficace aux besoins qui se font jour, il faut aussi trouver les financements nécessaires et autant que possible pérennes. Nous avons vu précédemment que depuis de nombreuses années l'association n'est plus en mesure de faire face à de nouvelles dépenses. Des financements doivent être recherchés auprès de partenaires approuvant les nouveaux dossiers, des fonds Européens seront également sollicités et souvent obtenus. Ces financements permettront de créer un nouveau service en faveur de jeunes en très grand désarroi le plus souvent sans emploi et sans logement, en rupture familiale, ils ont souvent des problèmes de santé, ce qui ne facilite pas leurs chances d'insertion. Le « Point Accueil Ecoute Jeunes » (P A E J), ainsi nommé, recevra des jeunes de tout le sud du département. Parallèlement le Foyer mettra à disposition plusieurs lits d'Aide au Logement Temporaire (A L T).

Pendant toutes ces années les projets se succèdent, sont mis en place et parfois, après quelques années de fonctionnement doivent être stoppés faute de financements ; nous citerons par exemple le service d'Accueil et de Médiation Familiale qui ne sera plus financé par le Ministère de la justice. Le centre de formation, crée quelques années plus tôt et qui travaillait en accord avec la Mission locale pour l'emploi des jeunes, devra également cesser son activité en 2009, suite à une politique de regroupements préconisés par le Conseil Régional.
Par contre, d'autres activités de service vont voir le jour : L'Auto Ecole, toujours sollicitée dans de nombreux secteurs en ce qui concerne les formations au permis de conduire, intervient dans les prisons et aussi, prodigue des formations à la sécurité routière dans les centres d'handicapés. Son savoir faire apprécier par de nombreux partenaires lui vaudra d'être
Choisie pour s'adjoindre un service supplémentaire : « Mobilité Insertion » ; ce service consiste à mettre à disposition pour un public en recherche, ou en premier emploi, un véhicule facilitant leur recherche et leur déplacements professionnels. Ce service sera conventionné par la Direction Départementale du Travail et de l'Emploi.

La multiplicité de ces activités d'insertion implique une lourde charge de travail pour la direction, laquelle doit par ailleurs continuer d'assurer le suivi des autres activités :
-En ce qui concerne la Maison d'Enfants, une réflexion est entreprise en 2002, concernant l'age d'accueil des enfants. L'attention du Conseil est attirée sur la situation de certains jeunes qui, suivant l'avis de l'équipe éducative, nous sont confiés trop tard : « on laisse trop d'enfants en souffrance dans les familles (souvent décomposés ou recomposées)
, et surtout trop longtemps, si bien qu'il est très compliqué de faire un travail de qualité. De plus ils passent leur vie à suivre des stages de mise à niveau sans pour autant avoir les moyens de s'en sortir ».Le directeur proposera au Conseil Général de recevoir des enfants plus jeunes, mieux adaptés au projet éducatif : cette demande ne recevra pas de réponse positive, les services de l'aide sociale indiquant qu'il y a déjà trop de places dans le département.
-Le foyer de jeunes travailleurs fait le plein le taux d'activité est satisfaisant, mais l'équilibre est fragile, la structure est trop petite et vieillissante le Conseil décide une extension et autorise le président à déposer un permis de construire ; celui-ci sera refusé pour des raisons techniques et devra être à nouveau étudié, ce qui sera fait avec une augmentation de la capacité.
-Le projet associatif obsolète doit être réécrit, il faut redéfinir le projet de l'association en reprécisant les missions, tout en laissant un cadre ouvert. Le nouveau projet sera adopté par l'Assemblée Générale de 2004.
-L'année 2008 verra la concrétisation du projet d'extension du Foyer De Jeunes Travailleurs : un immeuble de 44 studios sera construit avec le concours d'une société d'HLM, sur le terrain attenant au premier foyer ; cette construction permettra la rénovation de l'ancien bâtiment dans lequel seront aménagés 26 studios et 10 chambres confortables. Cette opération portera la capacité du FJT à 90 lits.
-La cafétéria dont nous avons omis de parler jusque là, sera entièrement rénovée.
Et continuera à assurer son rôle auprès des jeunes accueillis au foyer, des travailleurs et aussi de personnes âgées. Le foyer est un lieu de brassage social, lequel facilite ainsi l'intégration des jeunes, L'association montre par ce fait qu'elle n'est pas un lieu clos et fait en sorte de rester ouverte à la cité en proposant ses services à des personnes en nécessité.

Nous sommes en 2010. L'Association est née il y a aujourd'hui 170 Ans, Elle continue son œuvre non plus auprès des orphelins mais auprès de jeunes en grandes difficultés sociales.
Les membres du conseil d'administration, malgré leurs charges, font toujours preuve d'une grande disponibilité, et ce, malgré les interrogations qui apparaissent souvent sur le sens de l'œuvre. La notion de service du prochain, en l'occurrence le service des enfants est toujours présente et constitue le moteur principal.

Si la motivation et la disponibilité des personnels salariés a changé, le plus souvent par la force des choses, le souci du bien être et de l'avenir des enfants est toujours présent.

Certains éléments fondamentaux ont traversé plus d'un siècle et demi, et forment notre patrimoine d'aujourd'hui : la présence de l'Eglise au sein du Foyer ; même si cette présence n'est plus comme autrefois matérialisée par des actes spécifiques, le seul fait que les membres du Conseil d'Administration soient élus parmi les membres de l'Eglise, garantit le maintien d'une orientation et d'une éthique. Le conseil a aussi évolué dans sa composition, en effet depuis la fondation en 1840 le comité, puis le conseil ont été exclusivement masculins. Un Comité des Dames avait été institué, mais il n'avait aucun pouvoir de décision, il était seulement chargé de veiller à la bonne tenue du vestiaire des enfants et de la lingerie.

Ce n'est qu'en 1983, que le Président fraîchement élu décide de féminiser le Conseil, estimant que cette présence féminine devenait indispensable et serait d'un enrichissement certain pour l'Association. En 2004 c'est une femme qui devient enfin Présidente du Foyer Protestant de Castres.

Si on peut conclure ce récit aujourd'hui, on ne peut arrêter là l'histoire de l'Orphelinat : de l'Asile de charité pour Orphelins Protestants, en passant passant par l'Orphelinat pour Garçons Protestants de Castres, jusqu'au Foyer Protestant de Castres, ce sont 170 ans de solidarité sans failles qui se sont exercées au profit des jeunes dans la difficulté et la souffrance.

L'Association est toujours présente sur le terrain de l'action sociale, elle accomplit un travail d'intérêt général et a une responsabilité à l'égard de la société. Sa reconnaissance d'utilité publique fait qu'elle doit continuer à être un porteur actif des intérêts des plus fragiles pour faire face aux défis sociaux du siècle qui commence.

Olivier TIREL,
Administrateur,

Castres, mars 2011